OPéRA ROYAL DE WALLONIE

2007


Interprétation  Marc Barrard (Golaud), Antoine Garcin (Arkel), Anne-Catherine Gillet (Mélisande), Léonard Graus (Le Médecin), Jean-François Lapointe (Pelléas), Anne Pareuil (Geneviève).


Direction musicale

Patrick Davin


Décor Didier Payen

Costumes  Jorge Jara

Assistant à la mise en scène Christophe Gayral

Lumières et mise en scène 

Philippe Sireuil







 
 

Pelléas et Mélisande, notes.


Pelléas et Mélisande. Il y a dès l’énoncé du titre, comme un malentendu.  Les deux prénoms joints laissent supposer une histoire d’amour tragique, comme on en trouve dans Roméo et Juliette, ou Tristan et Isolde. Ce malentendu, c’est ce qui fonde l’œuvre, ses méandres, sa singularité, le désir incessant de Golaud de « savoir la vérité », notre impossibilité à la décrypter totalement.

« J’ai passé des journées à la poursuite de ce « rien » dont elle faite » écrit Debussy à Chausson, à propos de Mélisande. Les chanteurs et moi sommes, à chaque répétition, à sa suite, attentifs à ne pas surcharger l’œuvre d’un fatras symbolique, ni à la promener dans l’éther des songes, ce qui, à mon sens, nous mènerait dans les deux cas à l’impasse de l’écoute et à sa déliquescence…

Une bague tombe dans l’eau profonde à l’heure où midi sonne, et à la même heure, un cheval pris de panique désarçonne son cavalier. C’est une œuvre étrange, dit-on, et l’exemple retenu le confirme aisément. Si l’étrangeté est, selon la réflexion de Charles Baudelaire, « le condiment indispensable de la beauté », je souscris pleinement à cette manière de dire. Par contre, si cela devait nous mener à dévitaliser les nervures souterraines du récit et sa quotidienneté tragique, je répugnerais à faire mien pareil jugement.

Pas un jour où je ne songe à cette phrase lue je ne sais plus où ; je sais qu’elle est de Daniel Emilfork, grand acteur et grand pédagogue : « Pour tenter l’impossible, il faut oser le ridicule. » Entre le sublime et le ridicule, la limite est souvent ténue. Pourvu que nous ne fassions pas un pas de trop.

Je relis Gaston Compère : « Pelléas et Mélisande ont beau être comme « frère et sœur », (…) tous deux cherchent le bonheur – à l’image de chaque être humain. Plus exactement, chacun cherche son bonheur. Ces deux bonheurs ne coïncident pas. » On ne saurait mieux dire…

Golaud. Le sang de la bête ratée au début de l’acte I, comme une trace indélébile qui le marquerait à jamais. Je le perçois, comme un homme en fuite, toujours à l’affût, et ratant pourtant chaque fois la cible de l’entendement : Mélisande, bien sûr, mais aussi Pelléas et Yniold. Plus il veut comprendre, plus il ne comprend rien. Plus il avance, plus il perd tout, et se perd. Lui reste le cri, la violence, et le meurtre pour desserrer le nœud qui l’étouffe.

L’eau est partout présente dans l’œuvre : la fontaine, la grotte au bord de la mer, les souterrains les larmes d’une jeune fille ; elle porte le navire « qui s’éloigne rapidement », engloutit la bague, guérit les aveugles, lave les mains du médecin, recueille les larmes ; stagnante, elle pue et suinte ; sautillante, elle est jeu ; au bord de l’hiver, elle est brume. Il m’a semblé, dès le départ, qu’elle devait être là sur la scène, fluide écrin des passions et dérives humaines.

La difficulté de toute mise en scène de Pelléas et Mélisande, me semble-t-il : traquer le non-dit et lui donner chair, et dans le même mouvement, veiller à ne pas enfermer cette œuvre que je perçois comme aussi fragile que la chrysalide du papillon, dans une gangue scénique qui l’étoufferait et empêcherait son cœur de battre.

« Je suis comme un aveugle qui cherche son trésor au fond de l’océan. » chante Golaud. Je ne trouve pas mieux pour définir les exigences de la tâche qui est la nôtre, durant ces répétitions.

Philippe SIREUIL,

20.02.2007


 

Pelléas et Mélisande

de Claude DEBUSSY

  1. photos de Jacky Croisier ©

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