La mouette

d’Anton TCHEKHOV




THEATRE VARIA

LES GEMEAUX SCEAUX

COMEDIE DE GENEVE

1991


Interprétation François Bartels (Medvedenko), Véronique Biefnot (Macha), Nicole Colchat (Paulina), Sylvie Debrun (Nina), Patrck Descamps (Trigorine), Janine Godinas (Arkadina), Christian Léonard (Chamraïev), Christian Maillet ou Henri Monin (Dorn), Nicolas Rossier (Treplev), Claude Thébert (Sorine), Olivier Thomas ou  Stéphane Fauville (Iakov)

Traduction Antoine Vitez

Dramaturgie

Jean-Marie Piemme

Décor Didier Payen

Costumes  Anna Van Bree

Maquillages

Jean-Pierre Finotto

Assistanat à la mise en scène  Pol Mareschal

Lumières et mise en scène 

Philippe Sireuil

Production

THÉÂTRE VARIA, FERME DU BUISSON DE MARNE-LA-VALLÉE, LES GÉMEAUX/SCEAUX, CONSEIL GÉNÉRAL DES HAUTS DE SEINE & COMÉDIE DE GENÈVE.

avec la participation du jeune  théâtre national







 
 

“ Quelles seront donc les particularités de votre mise en scène ?

En quoi se distinguera-t-elle de celles qui l'ont précédée

récemment ? Quels traits allez-vous souligner ? Que

cherchez-vous à raconter au travers de cette pièce ? Pourquoi

encore une fois La mouette ? ” Les questions me laissent pantois,

tétanisé presque, et à chaque fois, il me semble que je ne peux

que décevoir mon interlocuteur. Voilà huit semaines qu'ont

commencé les répétitions, et toujours cette même sensation - ô

combien dangereuse je le sais bien - d'une évidence qui me

refuse toute explication intelligible, docte, réfléchie. “Je me

débats encore dans un chaos de rêves et d'images, ne sachant

à quoi ni à qui cela peut servir” dit Treplev : souffrance et

morosité en moins, me voilà toujours au même stade que

lui. Et pourtant, cette pièce, il me semble bien la connaître,

d'avoir depuis longtemps vécu avec elle. La première fois

que j'en ai entendu parler, je devais avoir onze ou douze

ans ; ma soeur aînée rentrait toute bouleversée d'une

représentation à laquelle elle avait assisté en matinée

scolaire. Plus tard, très jeune homme, j'ai lu

La mouette ; puis relu. Sans doute est-ce la pièce

de tout le répertoire que j'ai le plus souvent

parcourue, tantôt suivant respectueusement

la chronologie des actes, tantôt au détour d'une scène piquée au

hasard des pages écornées.

Aujourd'hui, je mets en scène La mouette.

La phrase est limpide, mais je bute sans cesse pour poursuivre, comme si le simple énoncé du titre de cette pièce maintes fois mise en scène - et par les plus grands - maintes fois commentée, disséquée, m'empêchait d'articuler tout point de vue, de rédiger toute note d'intention, toute ébauche de projet dramaturgique, intimidé que je suis dans l'approche de ce texte matrice du théâtre européen du vingtième siècle et de l'écriture contemporaine. “Il faut des formes nouvelles. Des formes nouvelles, oui, et s'il n'y en a pas, mieux vaut rien du tout” dit Treplev. Quinze années plus tôt, j'aurais suivi aveuglément cette ligne de conduite, persuadé que j'étais de la “mission” que je m'étais dévolue et sans doute alors aurais-je pu avoir le “discours sur” tant réclamé. Mais voilà, le temps a passé et à cette exigence pubère qui s'est effacée, d'autres se sont ajoutées, plus souterraines, plus essentielles sans doute, mais qui résistent à la publication. J'emprunterai donc à Tchekhov lui-même : “Il faut rendre les souffrances comme elles s'expriment dans la vie, c'est-à-dire non avec des gestes, des mains et des pieds, mais avec une simple intonation, un regard. Pas de gestes, mais de la grâce.” écrit-il à Olga Knipper. Pas de gestes, mais de la grâce. “Allez-vous débrouiller avec ça !”  me dit péremptoirement Medvedenko l'instituteur. Pas de gestes, mais de la grâce: la formule est belle, c'est vrai, mais qu'en faire dans l'espace concret du plateau ? “Dans une pièce, il doit y avoir forcément de l'amour”, me souffle Nina. Et Dorn, le docteur qui pérore : “Seul est beau ce qui est sérieux.” “Tout ça, c'est des sottises.” affirme Macha. Bref, je mets en scène La mouette. “Et voilà tout” ricane Sorine.

PHILIPPE SIREUIL

 
  1. photo de Hervé Bellamy ©