OPERNHAUS ZÜRICH

2006

Interprétation Jael Azzareti (Inez), Carlo Colombara (Balthazar), Éric Huchet (Don Gaspar),  Vesselina Kasarova (Léonor de Guzman), Fabio Sartori (Fernand), Roberto Servile (Le Roi Alphonse)


Direction musicale

Marc Minkowski

Chorégraphie Avi Kaiser

Décor  Vincent Lemaire

Costumes   Jorge Jara

Assistant à la mise en scène Christophe Gayral

Lumières et mise en scène  

Philippe Sireuil















 

La favorite

de Gaétano DONIZETTI 

 

La favorite, notes.

1. La musique, écrit Claude Lévi-Strauss, c’est le langage moins le sens. Les opéras de Donizetti qui donnent la priorité absolue au chant et à la voix, illustrent totalement ce propos et le livret n’est tout au plus qu’un prétexte au ravissement musical, et à l’étalage de sa virtuosité. La favorite, qui a pourtant convoqué trois librettistes, n’échappe pas à la règle et incarne même jusqu’à l’absurde la définition donnée plus haut.

2. Par quel bout prendre le livret ? A chaque lecture, il m’échappe, se dérobe à mon entendement. Fatras de mots convenus et de clichés éculés. Quel sens donner à se fatras ?

3. Refuser de prendre comme outil, la dérision ou la mise à distance burlesque, mais chercher à raconter la fable sans être dupe ni d’elle, ni de ses faiblesses ou invraisemblances, et chercher à émouvoir, au travers du prisme du chant et du geste du chanteur.

4. L’opéra envisagé comme le songe de Fernand, héros malgré lui d’une initiation fantasmatique.

5. Un songe parsemé de stations, comme un chemin de croix : sa volonté de s’abandonner à dieu, sa rencontre avec Léonor dans l’église toute teintée de mysticisme, les délices de Capoue, les combats victorieux (dont ne voit pas la trace), la traîtrise de Léonor, et son emportement juvénile devant le roi.

6. Un « bateau baleine » comme élément récurrent du rêve de Fernand. Dans le mythe de Jonas, la baleine est l’arche elle-même : l’entrée de Jonas dans la baleine, c’est l’entrée dans la période d’obscurité, intermédiaire entre «  deux états d’existence ». Jonas dans le ventre de la baleine, c’est la mort initiatique. La sortie de Jonas, c’est sa résurrection.

7. Le douloureux réveil de Fernand au quatrième acte : ses vœux devant Dieu, le retour de la putain du roi, et la révélation de la vérité qui, bien sûr (nous sommes à l’opéra), ne peut que conduire à la mort.

8. Léonor, figure tragique de la femme clouée au pilori par la cécité de l’homme. Son mariage avec Fernand comme la mise à mort de la bête dans l’arène. L’opéra ou la défaite des femmes, encore et toujours, comme le titre du livre de Catherine Clément.

9. Balthazar, le représentant de l’ordre divin, celui auquel on ne peut déroger jamais, et au nom duquel tant d’exclusions, de massacres, ont encore lieu aujourd’hui.

10. Alphonse ou le roi triste, la mélancolie faite homme.

11. Comme l’écrit Patrice Chéreau dans le livre du ring : «  Au théâtre, une idée qui n’est pas matérialisée est une idée qui n’existe pas. » Se méfier des idées, de ce que Roland Barthes appelait dans « Mythologies » la trouvaille.

12. Le chanteur, plus que jamais le vecteur de l’émotion. Prendre garde au dramatisme, à la larme à l’œil, à la guimauve. Fuir le geste convenu (autant que faire se peut), la redondance, ne pas avoir peur ni du vide, ni du rien, ne pas confondre énergie et agitation, tragique et sentimentalisme.

Philippe SIREUIL,

21.02.2006

 
  1. photos de Suzanne Schwiertz ©

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