OPERA DE LYON

1999

PREMIERE VERSION

Interprétation Stéphane Degout(Schaunard), Maryline Fallot   (Musetta), Jean-Marie Frémeau (Benoît et Alcindoro), Philippe  Georges (Marcello), Liliana Marzano (Mimi), Jérôme Varnier (Colline), Rolando Villazon (Rodolfo).


Direction musicale

Louis Langrée


OPERA DE LYON

2002


Interprétation Philippe Forucade, (Schaunard), Paul Gay (Colline), Philippe  Georges (Marcello),  Marcin Habela (Benoît et Alcindoro), Rie Hamada (Mimi), Fernando de la Mora (Rodolfo), Virgine Pochon (Musetta).


Direction musicale

Christian Badéa


ZÜRICH OPERNHAUS

2005


DEUXIEME VERSION

Interprétation Cheyne Davidson, (Schaunard), Cristina Gallardo-Domâs (Mimi), Marcello Giordani (Rodolfo), Rudolf Haunstein,  (Benoît), Elena Mosuc,  (Musetta), László Polgár (Colline), Giuseppe Scorsin,  (Alcindoro), Michael Volle, (Marcello).


Direction musicale

Franz Welser-Möst

Décor Vincent Lemaire

Costumes  Jorge Jara

Assistant à la mise en scène

Caïo Gaiarsa

Lumières et mise en scène  Philippe Sireuil









 
 

ALPHABET POUR LA BOHÊME

(Note aux chanteurs)

AMOUR 

La Bohême est moins une histoire d’amour que le portrait d’une jeunesse pauvre et déjà désenchantée. On aime bien sûr ; on aime l’amour, et surtout le faire, pour faire obstacle au temps qui fuit, pour tromper l’ennui du temps qui ne passe pas, par désoeuvrement en quelque sorte, mais aime-t-on « vraiment » dans La Bohême ?

Rodolfo me paraît plus être un velléitaire de l’amour, « d’une insoutenable légèreté », comme l’écrirait Kundera, qu’un amoureux tragique.

ARCHÉTYPE

L’opéra comme, dans une moindre mesure, le théâtre, convoque les grands archétypes de l’humanité, ses interrogations, et ses douleurs : l’amour, la mort, la guerre, le pouvoir, la trahison, la fidélité, etcetera…,  situations que nous partageons tous au-delà de nos différences sociales et culturelles. C’est ce qui fonde, je crois, l’intérêt et l’attrait du théâtre lyrique.

Ici, Rodolfo et Mimi, les amants malheureux pris dans les rets (mélo ?)-dramatiques de l’amour, de la misère, et de la maladie.

Il ne faut pas déroger à l’archétype, mais en même temps, il est nécessaire d’en interroger les codes de sa représentation, au risque de le voir se travestir dans un affadissement désuet et vulgaire de lui-même : le stéréotype.

On aime, on meurt, on combat, on prend le pouvoir, on trahit, oui. Mais les chemins et les manières d’accomplir ces actes et ces gestes sont multiples.

Il n’y a donc pas une seule manière de les interpréter. Pour moi, il s’agit de retrouver, sous le fatras des conventions et des traditions paresseuses, l’essence quotidienne et tragique de l’œuvre.

CHANTER 

À force d’être usité, le mot s’use, dévalue le sentiment qu’il évoque, et perd de sa nécessité. On parle, mais « sans y penser », dit-on.  Au théâtre, je donne souvent aux acteurs cette note : « Dites les mots comme si vous les découvriez dans l’instant ; soyez nus devant votre parole ; retrouvez l’émotion ou la force de la première fois ».  À l’opéra, le risque est le même. Chantons bien sûr, mais n’oublions pas les mots, le sens, la force et l’émotion des mots, que la ligne de chant doit transporter, et non pas masquer.

GESTE

Mettre en scène, c’est composer avec le concours de chacun la partition des gestes.

Un geste, c’est comme une note : pour qu’il soit lu et repéré par le spectateur, il doit être « dit » avec précision, justesse et parcimonie ; assumé jusqu’au bout, dans l’infiniment grand comme dans l’infiniment petit.

MOMUS

Point d’enseigne, seulement les guirlandes de la fête, un bal populaire ou des quat’z’art  où l’on vient pour boire, rire, chanter, flirter, danser, et plus… si affinités. Tous sont des habitués ; tous et toutes se connaissent. Tous (solistes, choristes et figurants) viennent là pour les mêmes raisons. Tous sauf Mimi : pour elle, c’est une découverte, un mirage dans lequel elle prend plaisir à se perdre ; pour les autres, c’est une nouvelle venue.

MORT

Quatrième acte : le printemps est là, et peut-être même l’été. C’est là que la mort va frapper la joyeuse bande, les faisant passer brutalement de l’insouciance désinvolte à l’âpreté de l’âge adulte.

La mort détruit, mais dans le même temps, elle fait passer, elle « aide » à grandir. Avec la mort de Mimi, il est à parier que jamais plus ne sera comme avant.

PARADOXE

La loge de Lulu, la chambre de Susanna et  Figaro, la mansarde de Marcello et Rodolfo, sont autant de lieux étriqués qui coïncident mal avec les normes métriques du plateau à l’italienne. Comment faire petit, pauvre, à l’opéra ?

Pour les actes I et IV, nous avons pris l’œuvre au pied de la lettre : un espace étriqué, où l’on se tient à peine debout, où l’on se croise en se touchant, avec le strict nécessaire pour mobilier et accessoires : un poêle, une table, trois chaises, un divan, un garde-manger. Non pas par méfiance de la représentation de la réalité, mais au contraire, pour chercher à l’incarner au mieux.

Trouver l’espace juste, prendre toutes les informations du livret (froid, obscurité, pauvreté, solitude, farces) est la condition sine qua non qui permettra au jeu et au chant d’être à leur tour appropriés à l’espace intérieur des rôles.

PAUVRETÉ 

« La bohème, la bohème / Ça voulait dire on est heureux /  La bohème, la bohème / Nous ne mangions qu'un jour sur deux » : Charles Aznavour chante l’insouciance et la pauvreté. Nos quatre garçons, Rodolfo, Marcello, Colline et Schaunard sont insouciants et pauvres. Pour les interpréter, il nous faut prendre ce double état au pied de la lettre, sans le charme de l’exotisme, et oublier le Montmartre des cartes postales.

La misère n’est jamais souriante, même si les pauvres sourient.

RÊVE

Dans La Mouette de Tchekhov, Treplev le jeune écrivain, rêve à la nécessité d’inventer des formes nouvelles, de mettre à bas l’édifice du vieux théâtre de sa mère. Dans La Bohême, point de révolte chez nos « artistes », ni d’ambition de destin ou de carrière. Les habitent seulement l’art de la débrouille, le plaisir de la bière et la chaleur des filles.

On a les rêves qu’on peut ou qu’on mérite.



Philippe SIREUIL

31.05.2005


 

La bohême

de Giaccomo PUCCINI

  1. photos de Suzanne Schwiertz ©

                                                                                                          


©ART-TV.CH 2005

              
 
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